Le magazine Wired a publié un excellent article dévoilant les secrets de la naissance de l’iPhone intitulé “Comment l’iPhone a fait exploser l’industrie du mobile”. En voici l’essence, traduite et adaptée par votre serviteur:
2002 – Steve Jobs rêve de téléphonie mobile
En 2002, quelques mois après le lancement du premier iPod, Steve Jobs envisage de développer un téléphone mobile. Il souhaite réunir plusieurs appareils — PDA, lecteur MP3 et téléphone — en un seul appareil. La concurrence est très active et il veut garder une longueur d’avance sur le terrain.
Mais Steve rencontre de nombreux obstacles. Les réseaux ne sont pas encore assez rapides que pour supporter un appareil dont le cheval de bataille est l’accès à Internet. De plus, il faudrait développer un OS spécial car celui de l’iPod n’ést pas assez performant et dans sa version actuelle, OS X est bien trop lourd pour tourner sur un téléphone portable.
Et le dernier obstacle — et non des moindres — est la toute puissance des opérateurs qui dictent aux fabricants de mobiles comment concevoir leurs produits et les traitent comme de simples faire-valoir pour les services vendus par les opérateurs.
2004 – Le ROKR est un échec total
En 2004, Steve décide de s’associer avec Motorola, qui est bien implanté sur le marché des opérateurs grâce à son partenariat avec Cingular et a fait un tabac avec le RAZR. Cette association permettrait à Apple de se concentrer sur le développement d’une version mobile d’iTunes, laissant à Motorola le soin de s’occuper du hardware. Mais les divergences conceptuelles ruinent le projet et le portable, appelé ROKR, fait un bide retentissant lorsqu’il est commercialisé en 2005. Vraiment moche, fonctionnalités très limitées: non, le ROKR n’était vraiment pas digne de la firme de Cupertino.
2005 – Apple reprend les choses en main
Alors que le ROKR est encore en phase de production, Steve confie au patron de Cingular qu’il pourrait développer un téléphone portable vraiment révolutionnaire, “à des années lumières de ce qui se fait aujourd’hui”. Les ingénieurs d’Apple ont en effet passé plus d’un an a développer des écrans tactiles pour un hypothétique PDA et ont convaincu Steve qu’ils pourraient adapter cette technologie sur un portable.
Apple se lance seule dans l’aventure, et la compagnie est même prête à conquérir le marché des opérateurs en développant son propre réseau de télécommunications, à l’instar de Virgin. Mais Cingular, qui sera racheté par AT&T l’année suivante, est séduit et s’associe au projet. L’opérateur a en effet remarqué qu’il est temps de changer de business model, car les communications vocales sont devenues bien moins rémunératrices que les échanges de communications DATA liées à l’Internet. De plus, vendre des appareils bon marché ne suffit plus pour attirer le client. Il faut un produit séduisant et révolutionnaire. Et dans ce domaine, Apple est roi.
2006 – La naissance de l’iPhone
Début 2006, Apple s’attèle au développement de l’iPhone. La première question est de savoir quel OS tournera sur le portable. Après avoir envisagé Linux qui tournait déjà sur de nombreux téléphones, Steve décide de développer une version light de l’OS X car les processeurs pour mobiles sont à présent beaucoup plus puissants. Les ingénieurs proposent un premier concept équipé d’une roue tactile comme l’iPod. C’est pratique pour téléphoner mais impossible de surfer sur le net avec une telle interface.
De plus, des questions techniques liées à la téléphonie mobile encore inconnues pour Apple se posent alors, si bien que la compagnie doit mettre en place un laboratoire de test de l’antenne iPhone, faire fabriquer des mannequins pour évaluer l’impact des radiations émises par l’appareil et construire une dizaine de serveurs pour simuler le fonctionnement de l’iPhone sur le réseau. Après avoir fait joujou avec un des prototypes à écran tactile, Steve Jobs demande aux ingénieurs de revoir la qualité de l’écran qui se raye facilement, et ceux-ci remplacent le plastique par du verre. Selon une source Wired, Apple aurait consacré plus de 150 millions de dollars au développement de l’iPhone.
Automne 2006, tard dans la matinée. La démonstration du concept iPhone est un échec: les appels sont sans cesse coupés, la batterie ne se charge pas complètement et les programmes plantent inlassablement. A la fin de la démonstration, Steve Jobs s’adresse à la dizaine de personnes présentes dans la salle: “Nous n’avons pas encore de produit”.
Le patron d’Apple ne manque pas de déchaîner ses foudres sur son équipe. Car l’enjeu est de taille: l’iPhone doit être la star du salon MacWorld qui aura lieu quelques mois plus tard. Steve a déjà annoncé que OS X Leopard serait retardé et sans l’iPhone, Apple ferait grise mine face à ses concurrents. De plus, Steve a conclu un accord secret avec AT&T, et il ne peut pas se permettre de perdre la confiance (et les millions de dollars) de l’opérateur mobile.
Les trois mois qui suivent sont extrêmement éprouvants pour l’équipe chargée au développement de l’iPhone, mais ce travail acharné portera ses fruits. A la veille de MacWorld, Steve présente un produit exceptionnel qui séduit AT&T instantanément. Stan Sigman, le boss de la compagnie, est tellement impressionné par l’écran tactile, le navigateur puissant et l’interface bien pensée de l’iPhone, qu’il déclare que c’est “le meilleur appareil que j’aie jamais vu”.
Un secret jalousement gardé
Durant la phase de développement, Steve Jobs protége jalousement son bébé, alors baptisé Purple 2 (le Purple 1 est le premier modèle basé sur l’iPod). Les équipes sont dispersées dans plusieurs lieux à Cupertino en Californie et lorsqu’ils rendent visite à leurs collègues chez Cingular, les ingénieurs se font passer pour des employés d’Inferion afin de brouiller les pistes. Les équipes hardware travaillent en faisant tourner des programmes factices, et les équipes software utilisent des machines enfermées dans des caissons en bois. En janvier 2007, lorsque Steve Jobs annonce l’iPhone à MacWorld, seulement 30 personnes de chez Apple ont vus la version définitive.
Un succès sans précédents
Le 29 juin 2007, l’iPhone est commercialisé et connait un succès retentissant. Les analystes prévoient que 3 millions d’unités seront vendues d’ici la fin de l’année 2007. Apple empoche $80 par unité vendue, sans compter les $240 issus du contrat d’abonnement exclusif avec AT&T. 40% des acheteurs sont de nouveaux clients d’AT&T, et la compagnie triple son volume de communications dans des villes comme New York et San Francisco. L’iPhone est surtout une véritable onde de choc pour les compagnies de télécommunications qui ont toujours imposé aux fabricants de portables leur vision du produit. La firme à la pomme a fait exploser l’industrie du mobile, comme elle l’avait fait pour l’industrie musicale il y a quelques années.